09/02/2009

ROBERT FRANK @ JEU DE PAUME 5/2/9


Une mise au point sur les expos déjà présentées de RF:
-Grande rétrospective à la National Gallery de Washington DC ( donation du fond par RF ) en 1994 puis tour des capitales européennes -> l'expo a donné lieu à la parution de Moving out.
- Jeu de Paume aujourd'hui avec des photographies issues du livre Les Américains et de la période Paris du photographe et cinéaste suisse.

L'autobiographie chez RF
-"Ce n'est pas la modernité de RF qui m'impressionnait ms subjectivité de sa démarche. Jusqu'à lui, les photographies étaient les miroirs d'une réalité qui était perçue dans sa vérité, plus ou moins exacte, plus ou moins distanciée. Les reporters, par définition rapportent des faits. Ils témoignent. Frank, lui, ne montre pas. Il se montre. Ttes ses images sont autoportraits. Et par delà une composition qui frôle souvent point de déséquilibre, on peut y lire l'espoir ou l'angoisse, la tendresse ou hargne. La modernité de RF, elle est toute entière, dans cette façon sincère, désarmante ou irritante qu'il a de s’exposer, tel qu'il est, où qu'il soit, quoi qu'il voit, et quoi qu'on puisse en penser".( in Robert Delpire, ‘Robert Frank, la photographie, enfin' Les cahiers de la photographie.)

- En fait, on peut dire que toute volonté autobiographique n'a été consciente chez RF qu'en 1972 avec la 1e édition de In lines of my hands (lignes de vie sur une main ?) -> On y retrouve le symbole du miroir, élément fréquent du vocabulaire iconographique de RF -> mettre son existence et sa subjectivité au centre du travail?
- A Mabou comme au Canada, RF filme des éléments de son existence ( son fils Pablo, sa femme). Il utilise pour ce faire vidéo -> bande Home improvements, où filme sa propre image, elle-même filmant sa propre image dans le reflet d'une vitre et dit alors à la caméra: "je fais toujours la même image, je regarde à l'intérieur de l'extérieur et à l'extérieur de l'intérieur" = aveu de son impuissance à résoudre par le langage ou l'image une préoccupation obsédante : lui-même au centre de son travail.
- Cette confrontation du spectateur avec sa propre image est, en filigrane, la démarche des Américains : confrontation qu'il veut crue mais le livre est un flop (portrait d'une Amérique moins opulente qu’on veut la présenter à l'époque, époque du grand "rêve américain") -> RF dira qu’en Amérique, on peut tout dire, sauf dire du mal de l’Amérique

Une révolution frankienne:

-C'était l'époque des célèbres joutes entre Eugene Smith et Life. Eugene Smith se battait pour préserver à ses images — telles qu’il les avait sélectionnées, tirées et assemblées — leur identité dans leur forme imprimée, c'est à dire qu’il entendait que les choix du photographe prévalent sur ceux de l’éditeur. Robert Frank a participé à cette revendication essentielle qui est une des prémisces de ce que nous appelons les droits d'auteur aujourd'hui.

-Le grain: Véritable signature des films rapides ( tels que la TriX de Kodak ) de petit format chez RF, alors que ceux-ci étaient peu courant à l’époque. De fait les photographes dans les années 50 n’avaient recours à des films rapides que lorsqu’ils faisaient face à des situations à l’éclairage exécrable. Le grain, associé par sa grosseur à la densité d'un tirage aux accents sombres -> potentiel expressif, expressionniste, diffraction des cristaux d'argent de l'émulsion (grain) -> image et texture de la lumière très belle et présente dans tous les travaux de Robert Frank.

-La visée: A l'époque, il était encore concevable de faire des photos à la va vite (contrairement aux temps de pause actuels, voir Lachapelle par exemple), ne se préoccupant que de manière approximative du réglage, de la mise au point et du couple ouverture/vitesse d'obturation. La seule technique encore respectée était la visée : river au viseur son oeil et juger aussi vite que possible de la composition du cadre, de la mise en place des éléments déterminants. Cette dernière, enfin, va être éludée par RF: pendant son voyage dans les 48 états continentaux, RF rencontrera souvent des situations où la fonction même de photographe est un péril, l'acte de photographier pouvant créer des conflits. C'est ainsi qu'il apprendra à se servir de son appareil d'une seule main, à la hanche. Cette technique de prise de vue apporte plusieurs nouveaux éléments : montrer personnages et décors, d’un point de vue abaissé, ce qui généralement les grandit -> effet attendu de la contre-plongée. De plus, sans visée, le photographe ne peut déterminer avec précision, d'une part, la composition générale de son cadre, d'autre part, les limites de ce dernier.

-Rupture :
1958 : Delpire publie Les Américains. Les critiques sont mauvaises: "sinistre", “pervers", "anti-américain". -> RF est déçu ms heureux que le travail soit préservé et continue d'être publié malgré tout. Il souhaitait juste que le livre sorte.
1960 : Une décision : mettre son Leica au placard, assez de guetter, de chasser, d'attraper parfois l'essence de ce qui est noir, de ce qui est blanc, "de savoir où est le Bon Dieu" -> films -> gens qui bougent dans le viseur. Ses films sont plus contestés, moins simples et pas tous spécialement réussis sur les points techniques.
1970 : reprise de la photographie pour In lines of my hand, découpant des négatifs probablement récupérés des poubelles des salles de montage, il les assemble -> collage. RF utilise désormais des supports polaroïd -> instantanéité + contrôler l'idée générale d'une image + récupérer négatif de chaque prise de vue -> retire en positif (imperfections qu’il affectionne).

- Expérimentation: son arrivée à NY en 1947 et son voyage Pérou -> parution d'Indiens pas morts, avec Werner Bischof et Pierre Verger. Goût de la recherche + l'expérimentation -> sera désormais constante de son travail. Au nom de cette avidité intellectuelle -> l'abandon de la photo 1958 : “Il me paraissait logique d'arrêter la photographie au moment où le succès venait. J'allais me répéter. J'avais trouvé mon style et je m'y étais installé, et j'aurais pu aller au-delà. En revanche, je n’ai jamais parfaitement réussi dans le cinéma, ça n'a jamais parfaitement marché. Et ça, c'est merveilleux. Il y a toujours du bon ds l'échec : ça vous pousse en avant.”

-Les mots et la photo: RF développe de nouveaux moyens d'expression plus tard, qui ne sont pas présents dans l'exposition du Jeu de Paume mais qui font sa particularité: le collage ou des jeux de répétitions, de mots dans l'image. Les mots sont présents de plusieurs manières: gravés dans le négatif, inscrits de sa main sur le tirage, ou encore peints sur le tirage ; ils peuvent également avoir été inscrits sur un objet photographié, ou encore apparaître en tant que typographie, comme un slogan sur un poste de T.V. ; ils peuvent encore être isolés sur le tirage au moyen de filtres de lumière, ou grattés d'un à-plat de peinture. Quasi-systématique, parmi les inscriptions qui apparaissent sur une image, il y aura une date et le lieu où l'image a été produite, très souvent également une signature. Dans les images qu'il produit depuis 1972, ces associations d'images deviennent le centre de sa recherche. Le support polaroïd lui permet de construire ses assemblages avec beaucoup d'intuition => Le spectateur perçoit cependant une volonté très nette de déborder les caractéristiques, habituellement utilisées, de l'appareil photo -> RF veut-il sortir lui-même du cadre ?

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