Pourtant, la comparaison avec les travaux des Becher permet de nuancer. Contrairement à ces choix photographiques et esthétiques précis, mesurés que furent leurs photographies, Batniji est soumis à des impératifs. Bien sur il y a toujours choix, le moment où il appuie sur le déclencheur est révélateur, néanmoins il explique lui-même le danger couru, ce qui explique des cadrages plus "aléatoires" que ceux des Becher peut-être? Le but du travail est également fort différent. Chez les Becher, on a pu mettre en lumière une volonté d'objectivité qui explique ce choix d'une même lumière neutre (ciel couvert), chaque photographie étant composée de manière identique (angle de vue et cadrage). Dans l'autre cas, pour "Miradors", le but est un l'art-mémorial, orienté vers le futur, pour contrer le temps qui fuit? Et peut-être protestataire...
Autre mémorial, auquel on peut rapprocher la série de Batiniji, celui d'Emily Jacir, ce "work in progress" de l'artiste à qui fut décerné le lion d’or à la Biennale de Venise en 2007. Ici, il a invité Palestiniens et Israéliens dans son studio new-yorkais en 2001 pour y coudre des noms de villages sur une tente de réfugiés. Le nom de l'oeuvre est révélateur: "Mémorial des 418 villages palestiniens qui furent détruits, dépeuplés et occupés par Israël en 1948". Un titre long et lourd, dont les consonnes résonnent, long et lourd cependant volontairement. Le but? Qu'à chaque fois que le titre soit mentionné dans les journaux ou les catalogues des musées, cette longueur insiste de manière incantatoire sur l'importance et l'ampleur des destructions qui ont accompagnées la création de l’Etat d’Israël. Le mémorial se veut ici encore trace et montre une nouvelle fois l'ouverture d'esprit de ces artistes, ouverts à des pratiques novatrices (work in progress amélioré à chaque nouvelle broderie, art participatif...) mais qui restent centrés sur un objectif: le mémorial et l'art protestataire.